dimanche 14 juillet 2013

HOMMAGE A CEUX QUI ONT PARTICIPE A LA RENAISSANCE DE NOTRE VILLAGE : REMISE DE LA MEDAILLE D'HONNEUR DU VILLAGE à Louis GONSETH


Je voudrais aujourd’hui jour de la fête nationale rendre hommage à tous ceux qui ont permis à notre village de consolider ses vieilles  maisons et de les voir habitées de façons intermittentes mais quand même  ouvertes et tenues en parfait état. Et parmi ceux qui ont investi dans les ruines que nous avions dans la fin des années 50 il y a de nombreux suisses. J’ai même fait le calcul des résidents secondaires propriétaires aujourd’hui : 15 Familles suisses, 2 Familles belges et 1 famille allemande et 1 Danoise.

C’est vrai qu’à une époque, comme le soulignait d’ailleurs Paul-Jean Roux, Diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce de Montpellier et domicilié à Rivières, Gard , en conclusion de son remarquable dossier de demande de classement Côtes du Rhône pour le terroir Aiguézois notre village était trop pauvre pour remettre en état les ruines nombreuses qui se dégradaient.
 
 

 Extrait du dossier de P.J RAOUX : VISITE AU VILLAGE MOURANT en 1957
              «   Jusqu’à ces dernières années, comme tant d’autres villages de nos garrigues et de nos coteaux rhodaniens, Aiguèze somnolait, sans prendre conscience de la pente rapide de sa déchéance. La grandeur de la chute l’a réveillé soudain, surpris de la décadence proche de la mort.
                Nous avons parcouru ces mois derniers, ce village en agonie et nous sommes atterrés de ce spectacle. Deux longues files de maisons, rangées et serrées de chaque côté d’une rue. Les arceaux de calcaire des portes charretières ont résisté a l’usure du temps, mais la porte rongée a cédé sur ses gonds rouillés et la cour ouverte … La maison, si elle n’est pas déjà sans tuiles, est souvent fermée. Peut-être les propriétaires qui habitent Bagnols ou Avignon, viendront en été y séjourner à peu de frais et animer ce silence de sépulcre.
                C’est presque un événement d’entendre quelqu’un marcher dans ces rues sans vie. Dans l’entrebâillement d’une porte, une vieille femme en noir regarde étonnée, « celui » qui passe.
                Plus loin, les maisons s’écroulent, ajoutant leurs ruines à celles du superbe
« Castellas », juché sur sa falaise, dont la tour de guet surveille sans fin, les ponts d’Ardèche et les coteaux du Rhône. Le cantonnier communal recueillera à temps perdu, ces épaves d’un passé défunt, portes et poutres pour les brûler ; il entassera de côté les pierres. L’urbanisme gagnera une « placette » où un acacia n’arrivera pas à pousser.
                Que reste-t-il des six ou sept artisans de la « Belle Epoque » 1900 quand Aiguèze avait 400 habitants ? Où sont les fialairos (fileuses) et les tirairos (tireuses) animant les filatures du pont d’Aiguèze, il y a 100 ans, quand 515 personnes vivaient  ici ? Que sont devenues les officines des notables du Grand Siècle : viguier baile, consuls, chirurgien, médecin, notaires, écrivains publics, etc … quand 240 « communiants » se pressaient sous le Castellas ?
                 Les souvenirs persistent, le village disparaît. Un facteur, un cantonnier, un instituteur, une institutrice sont les familles qui ne partiront pas encore, à cause surtout de la surpopulation de l’été. Combien resteront demain sur les 160 habitants de maintenant ? Tous les commerçants ont fermé boutique. Seul, le café – il y en avait 6 en 1830 – est ouvert, plus pour l’honneur que pour le profit.


LA DETRESSE DE LA TERRE

                Jusqu’au milieu du XIXème siècle, quand le but de toute exploitation agricole était de suffire à soi-même, sans acheter ni vendre, Aiguèze vivait de l’agriculture. Toute la nourriture en venait : céréales, légumes, fruits, épices, boissons, viandes, lait, fromages, miel, etc… Tout le vêtement aussi : chanvre, soie, laine, pelleteries. Dans le logement, la forêt fournissait les charpentes et les meubles, comme elle assurait le chauffage des maisons. L’alcali des cendres de bois, les peintures à base d’huile végétale, beaucoup de colorants et de plantes médicinales étaient à la base des ingrédients et des remèdes domestiques.

                Après la révolution technique constituée par la découverte de la puissance motrice du feu et de l’exploitation de la machine à vapeur, puis du moteur à explosion, commence la dépopulation de la région d’Aiguèze. La crise séricicole, coïncidant avec l’aurore du machinisme, accélère l’essaimage vers les villes concentrant des industries autour des sources d’énergie non agricoles : houille, pétrole, minerais radio-actifs. Cette désertion du terroir s ‘amplifie entre les deux guerres. Elle dure toujours.
 
                Aujourd’hui, il reste très peu de fermes habitées dans le village. Les petits fonctionnaires sont le milieu vivant ; ainsi que les demi-ruraux, dont le minimum vital est assuré, soit par une journée gagnée ailleurs ou par une pension, retraite, allocation.

                Le petit reste est constitué par quelques propriétés florissantes, modernisées, grâce à un capital et au travail de viticulteurs avisés et persévérants. D’autres enfin « vivotent »  et dureront autant que durera le courage du chef de famille : ses grands garçons, après le régiment entreront dans la police, l’armée ou s’embaucheront dans les entreprises d’Avignon ou de Marcoule, et ses grandes filles épouseront un citadin plutôt qu’un rural. 

LE VIDE DANS LE DESERT

                Aiguèze se vide. Chaque porte qui se ferme est un pas de plus vers la disparition. Le sol de la commune est pauvre. Il a fallu des miracles d’opiniâtreté et d’ingéniosité, d’ardeur au travail pour maintenir pendant des siècles, dans son territoire, une population qui diminue de jour en jour.

                Dans ce désert de la forêt de Ronze, l’espace cultivable a été toujours mesuré. Depuis les premiers défrichements des fondateurs de l’agriculture, il y a quatre mille ans, la proportion de la superficie des terres labourables n’a jamais dépassé 18 pour cent. Les parcelles sont nombreuses. Les grands domaines n’existent pas La petite propriété de moins de 10 hectares est courante.

                Comment retenir à la terre, cette catégorie de petits exploitants numériquement la plus nombreuse ? Ce n’est pas seulement l’éloignement d’un terrain de sport ou d’une salle obscure qui décourage les jeunes d’Aiguèze, mais le souci de faire vivre honorablement leur famille. Ils quittent la campagne pour la ville, où sans spécialité, ils gagnent un salaire modeste mais assuré. Perdant par ce départ leur individualité et leurs traditions dans l’anonymat dépersonnalisé des masses citadines. Que les Hautes Autorités Compétentes leur donnent la possibilité d’avoir l’équivalence à la terre et ils ne partiront pas. »

Il pose une question fondamentale : L’ESPOIR RENAITRA-T-IL ?

                Il répond qu’il renaîtra si la viticulture arrive enfin à nourrir la population en obtenant le lebel Côtes du Rhône. C’est ce qui est arrivé et encore aujourd’hui on peut être reconnaissant à Paul Jean ROUX et les quelques viticulteurs qui lui avaient commandé ce travail d’avoir réussi à obtenir l’appellation qui a donné un coup de fouet à la viticulture et à l’économie du village.

REMISE DE LA MEDAILLE D’HONNEUR DU VILLAGE à Louis GONSETH :
 
 






 

Les habitants n’étant alors pas assez fortunés pour réparer et entretenir les habitations qui tombaient en ruine, il a fallu que des étrangers au village fassent ce travail de sauvetage des maisons.

C’est pour leur rendre hommage que j’ai choisi de remettre la médaille du village à Louis GONSETH. Je connais son attachement sincère pour notre village, je le remercie d’avoir produit gratuitement plusieurs études sur son aménagement en sa qualité d’architecte (je pense notamment à un projet d’aménagement de l’espace La Font/Lavoir), je le remercie de passer pas mal de son temps à accompagner les touristes à travers nos ruelles en leur expliquant les traces de notre passé médiéval, je le remercie de s’impliquer dans la vie du village : par exemple sa présence parmi les bénévoles de la Médiévale et dans toutes les animations, je le remercie de son rôle de surveillance du village : il a l’œil sur tout ce qui est suspect ou qui peut porter atteinte à la sécurité, de plus c’est un artiste qui a réalisé de magnifiques aquarelles de nos paysages dont il fait la promotion en Suisse.

Pour tout cela je lui remets cette médaille d’honneur de notre commune et lui souhaite de continuer longtemps encore à marquer de sa présence la vie de notre petite cité.

Et pour terminer ce petit poème cité par Paul Jean ROUX d’un auteur anonyme :

  VISITE A AIGUEZE

Qui croirait que tu fus un joyau de Provence
En te voyant ainsi dormant sous le soleil ?…
Nul ne te protégea ( comme on le fit à Vence )
Du cruel abandon, cet oubli sans pareil !…

La lèpre de tes murs, les cahots de tes rues,
Les ruines effondrées en de tristes amas,
Les toitures béantes, les cours toutes nues,
Font penser à l’adieu… ou au prochain trépas !

Le poids cruel des ans accable ton épaule,
Tes quelques monuments, fantômes de jadis,
Te donnent tout au plus un air de nécropole !…
Et pourtant, je le sais, ton cœur bat et tu vis.
 
Un Site merveilleux entoure tes murailles,
Estompe ta misère… exprime une beauté
Et ton fameux donjon, jailli de tes entrailles,
Prend le ciel à témoin de glorieux Passé…

L’Ardèche qui s’écoule à tes pieds de colosse,
N’a pour toi que des chants et des hymnes d’amour,
Tandis que le Ventoux prête au Rhône sa bosse
Pour mieux voir ton rocher, la château et sa tour !…

Les senteurs de garrigue emplissent mes narines,
M’enivrent : je crois voir tout au long des sentiers
De grands troupeaux bêlants dans le chant des clarines,
Monter de cime en cime aux refuges altiers.

A pas lents, recueilli, je gravis le calvaire
De tes hauteurs sauvages afin de contempler
Ces gorges d’épouvante par où, dit-on, naguère
Tes premiers conquérants vinrent te visiter.

O site merveilleux !… Décor indescriptible !…
O palette magique de profuses couleurs…
C’est un enchantement où mon âme impassible
Soudain pourtant s’émeut jusqu’à verser des pleurs.

Combien à ce moment me paraissent futiles
Nos querelles d’un jour et nos mesquins soucis ;
D’humbles remerciements seraient bien plus utiles
S’adressant à Celui qui fit ce que je vis !…

A regret je descends ces pentes enjôleuses
Me rapprochant ainsi de ton ancien rempart
Et foulant des terres tout aussi capiteuses
Où les vergers en fleurs, jaillis de toute part,

Sont bourdonnants d’abeilles et de chants de cigales.
Enfin, tout près, sur les coteaux ensoleillés,
Je découvre ta vigne aux vertus sans égales,
Sources vénérables de tes crus réputés !…

Car tu as une histoire, un blason de noblesse
Que connut maint Anglais, noble Dame ou Seigneur…
Tu fus, dans leurs agapes, un ferment de liesse ;
Chacun buvant ton vin, redevenait meilleur.

Et même il me fut dit que le bon La Fontaine
Apprécia si fort les dons de ton nectar
Qu’il en imagina mainte belle fredaine
Décrite dans tel conte à l’esprit égrillard.

 Dans le site enchanteur de ces « Côtes du Rhône »
Malgré ta modestie et ton air effacé
Tu es un beau fleuron de l’antique couronne
Dont se pare le front de ce Terroir aimé.

J’espère te revoir, Aiguèze somnolente,
A ton réveil… quand tes enfants devenus fiers,
T’arracheront enfin à l’ignoble mort lente
Que tu ne méritas ni aujourd’hui, ni hier.

                      Un touriste reconnaissant
                                    Avril 1957

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